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Yvan Colonna, berger nationaliste corse, condamné pour l'assassinat d'un préfet
Indépendantiste corse convaincu, Yvan Colonna, mort lundi à 61 ans des suites d'une agression en prison, avait été condamné pour l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac. Mais ce berger, devenu une figure sur son île, a toujours nié son implication.
Deuxième d'une fratrie de trois, Yvan Colonna est né le 7 avril 1960 à Ajaccio. Mais il quitte l'île à l'adolescence, pour Nice, avec sa famille, ce qui restera toujours une blessure pour lui.
Sur la Côte d'Azur, il passe un bac B et étudie pour devenir professeur d'éducation physique, comme son père, Jean-Hugues Colonna. Ce dernier, entré en politique, devient député socialiste des Alpes-Maritimes en 1981, puis conseiller au ministère de l'Intérieur.
L'amour d'Yvan Colonna pour son île natale lui fait vite abandonner ses études pour retourner dans son fief familial de Cargèse, au nord d'Ajaccio, où ce brun athlétique enchaînera divers petits boulots, comme maître-nageur ou surveillant en établissement scolaire avant de s'installer en tant que chevrier.
Soupçonné par les policiers d'avoir été un "soldat" du mouvement clandestin Front de libération nationale de la Corse (FLNC), il admet simplement avoir été "un militant politique". De 1995 jusqu'à sa mise en cause dans l'assassinat du préfet, il ne fait pas parler de lui.
Le 6 février 1998, Claude Erignac, préfet en Corse depuis deux ans, est assassiné. Un acte "barbare... sans précédent dans notre histoire", dira le président français Jacques Chirac.
En mai 1999, quand sont arrêtés les membres du groupe suspecté de l'assassinat et qu'interviennent les premières dénonciations, Yvan Colonna prend le maquis. Une cavale de quatre ans, jusqu'à son arrestation en juillet 2003. Sa piste a été suivie du Venezuela à la Sardaigne en passant par le Vanuatu ou le Costa Rica, mais il était en réalité dans son île, dans une bergerie près de Propriano (sud).
- "Détenu particulièrement signalé" -
Sur la photo diffusée alors, il apparaît les cheveux mi-longs, boucle d'oreille et tee-shirt blanc, nourrissant l'image d'un homme qui s'est forgé une "carapace" durant sa fuite. Carapace qu'il renforcera pendant ses huit années de détention provisoire.
Suivra une longue saga judiciaire, avec trois procès avant une condamnation définitive à la réclusion criminelle à perpétuité, sans période de sûreté, en 2011.
Mais Yvan Colonna a toujours nié. "J'ai jamais tué personne, j'ai jamais pensé tuer quelqu'un", avait-il insisté lors de son dernier procès. Mais il assume: "Je suis nationaliste, je pense que je le serai toujours". Il déclarait toutefois avoir quitté le militantisme en 1989-1990, après la naissance de son premier fils, pour se consacrer à sa famille et à son élevage caprin.
Il tentera même d'obtenir un énième procès en saisissant la Cour européenne des droits de l'Homme, estimant ne pas avoir été traité équitablement par la justice française.
Incarcéré à Fresnes (Val-de-Marne), Toulon puis Arles (Bouches-du-Rhône), entre autres, il a multiplié les demandes de levée de statut de "détenu particulièrement signalé", toutes refusées, afin de pouvoir purger sa peine dans une prison corse, près des siens. Même l'humoriste Guy Bedos critiquera "l'acharnement pénitentiaire" contre le nationaliste.
En 2018, sa femme, qu'il a épousée en prison et avec qui il a eu un fils aujourd'hui âgé d'une dizaine d'années, interpellait le président Emmanuel Macron lors d'une visite à Ajaccio: "Mon fils de six ans n'a pas vu son père depuis un an et demi. S'il vous plaît, faites quelque chose".
"Que votre enfant puisse voir son père, que les personnes qui sont détenues dans notre pays puissent voir leur famille, ça fait partie des choses que nous allons assurer", lui avait alors répondu le président.
Fin janvier, trois députés corses, avaient déclaré devant la prison d'Arles qu'il subissait "un traitement dégradant du point de vue du droit", plaidant pour un rapprochement familial. En vain. Ils l'avaient alors trouvé "physiquement très en forme" et mentalement "lucide" et "déterminé".
Agressé le 2 mars par un codétenu, il est resté entre la vie et la mort durant 19 jours. Quelques jours avant sa mort, la justice avait suspendu sa peine pour "motif médical".
C.Kovalenko--BTB