Berliner Tageblatt - "Anora", Cendrillon moderne élu Oscar du meilleur film

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"Anora", Cendrillon moderne élu Oscar du meilleur film
"Anora", Cendrillon moderne élu Oscar du meilleur film / Photo: © AFP

"Anora", Cendrillon moderne élu Oscar du meilleur film

La tragicomédie "Anora", faux conte de fées où une strip-teaseuse new-yorkaise s'amourache du rejeton d'un oligarque russe avant d'affronter le mépris de classe de sa belle-famille ultra-riche, a remporté dimanche l'Oscar du meilleur film.

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L'oeuvre de Sean Baker, sorte de Cendrillon réécrit pour une escort, a séduit l'Académie, grâce à sa plongée émouvante dans l'univers du travail du sexe et son humour salvateur face à la violence du capitalisme débridé.

Tourné pour seulement six millions de dollars, ce film d'auteur déjà récompensé par la Palme d'or à Cannes a remporté dimanche cinq Oscars, dont ceux de meilleur réalisateur pour Sean Baker et de meilleure actrice pour Mikey Madison.

"Anora" était devenu en mai le premier film américain à conquérir Cannes depuis "The Tree of Life" de Terrence Malick en 2011. Mais sa voie vers les Oscars était loin d'être écrite d'avance.

Les précédents films de Sean Baker sur le travail du sexe comme "Tangerine", "The Florida Project", ou "Red Rocket" lui ont valu les louanges de la critique internationale et l'estime des cinéphiles, mais ils n'ont jamais vraiment fait recette dans les multiplexes de son pays natal.

Lorsqu'"Anora" n'a remporté aucun prix aux Golden Globes en janvier, son élan a donc semblé s'essouffler.

Mais le bouche-à-oreille lui a tranquillement permis d'amasser 40 millions de dollars de recettes au box-office mondial, pendant que les polémiques engloutissaient le favori "Emilia Pérez", coulé par les anciens tweets racistes de son actrice principale, Karla Sofia Gascon.

Face au naufrage du film de Jacques Audiard, "Anora" s'est alors imposé comme une œuvre faisant l'unanimité, récompensée par différents prix remis par les syndicats de producteurs, réalisateurs, critiques et scénaristes américains.

- Huis clos d'anthologie -

Le film débute comme un conte de fées pour Anora, surnommée Ani, une strip-teaseuse interprétée par Mikey Madison.

Un soir de cuite, Vanya (Mark Eidelstein), le fils d'un richissime oligarque russe, pousse la porte de son club. Capricieux et immature, le jeune homme s'entiche d'elle, lui fait découvrir le faste de sa vie remplie d'excès, puis l'emmène à Las Vegas, où les tourtereaux se marient sur un coup de tête.

Mais à leur retour à New York, Ani voit son destin à la "Pretty Woman" s'effondrer.

Les hommes de main de son beau-père débarquent pour faire annuler l'union: son prince charmant s'enfuit et Ani s'engage dans une lutte acharnée contre le trio de mafieux dans un luxueux salon. Un huis clos d'anthologie, qui dure 28 minutes et au cours duquel les gros bras se révèlent être de simples pieds nickelés.

Leur leader est incarné par Karren Karagulian, acteur fétiche de Sean Baker qui a inspiré le film. Le cinéaste et son comédien voulaient depuis des années plonger dans les bas-fonds de Brighton Beach, la banlieue new-yorkaise natale de Karagulian, remplie d'immigrés russes.

- Emotion et dérision -

Le deuxième acte d'Anora vire ainsi à la dérision totale, lorsqu'Ani se lance à la recherche de son amant en cavale dans le quartier slave, flanquée des trois bras cassés qui l'ont agressée.

"J'essaie de capturer une vérité et, en général, de montrer ce qui est le plus proche de la réalité. Et cela nécessite presque toujours de l'humour", a expliqué Sean Baker à l'AFP. "Parce que parfois nous utilisons le rire pour supporter l'existence. Parfois, on rit quand on est le plus triste."

Ani finit par se heurter au mépris de classe de ses beaux-parents milliardaires. Malgré quelques saillies bien senties à leur encontre, elle ne peut rien contre l'effondrement inévitable de son mariage.

Epuisée, elle laisse alors tomber son masque fougueux et hypersexualisé, pour un final déchirant qui laisse entrevoir toute sa détresse et sa vulnérabilité.

Pendant toute la saison des récompenses, Sean Baker et Mikey Madison ont pourfendu les clichés sur le travail sexuel dans leurs discours de remerciements, et ont appelé à sa dépénalisation aux Etats-Unis.

O.Krause--BTB