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Mexique: la nouvelle présidente au défi d'une économie fragilisée
Cela se complique d'entrée: la présidente du Mexique, Claudia Sheinbaum, va prendre les commandes d'une économie fragilisée par l'héritage de son prédécesseur et à un moment où les tensions montent avec ses deux grands partenaires, les Etats-Unis et l'Espagne.
En juin, l'ex-maire de Mexico a été élue triomphalement avec près de 60% des voix dans un contexte quasi euphorique: peso en grande forme face au dollar, investissements étrangers en hausse et pauvreté en recul.
Première femme présidente dans l'histoire du Mexique, Mme Sheinbaum était portée par la popularité du président sortant, Andres Manuel Lopez Obrador.
Tous deux sont les idoles de la solide base électorale du parti de gauche nationaliste Morena, au pouvoir depuis 2018.
Mais tout a changé à quelques jours de l'investiture de Mme Sheinbaum le 1er octobre, malgré sa position de force sur le plan politique.
La présidente peut s'appuyer au Parlement sur une majorité écrasante, lui permettant de changer la Constitution.
Cette "hypermajorité" s'est d'ailleurs empressée d'approuver une réforme controversée du pouvoir judiciaire voulue par le président sortant.
Elle prévoit l'élection des juges au suffrage universel à partir de juin 2025, une première au monde.
Cette réforme inquiète les Etats-Unis: "Elle menace la relation (...) que nous avons construite, qui dépend de la confiance des investisseurs dans le cadre légal", a prévenu l'ambassadeur américain Ken Salazar.
Plus symboliquement, le mandat de Mme Sheinbaum commence aussi par une crise avec l'Espagne, ancienne puissance coloniale et deuxième plus gros investisseur au Mexique derrière les Etats-Unis.
Madrid a décidé de boycotter la cérémonie d'investiture de la présidente mardi prochain, jugeant "inacceptable" que le roi Felipe VI n'ait pas été invité.
- Un mandat tué d'entrée? -
"Des analystes disent que les récentes réformes tuent le mandat avant même qu'il ne commence" affirme Jesus Carrillo, directeur économique du centre de réflexion mexicain IMCO.
"Sans aller jusque-là, il me semble que les possibilités pour l'économie sont beaucoup plus réduites", ajoute-t-il.
Depuis les élections, la monnaie mexicaine a chuté de 13%, revenant vers son seuil de un dollar pour 20 pesos.
Comme si un nuage noir ne venait jamais seul, les prévisions de croissance du PIB ont été révisées à la baisse par la Banque centrale pour cette année (de 2,4% à 1,5%).
La réforme du pouvoir judiciaire pourrait compliquer la donne entre les partenaires de l'Accord de libre-échange Canada–Etats-Unis–Mexique (ACEUM) qui doit être renégocié en 2026, selon les experts.
Cet accord exige un "traitement juste et équitable" des litiges judiciaires. Une condition qui pourrait être mise en cause si les juges élus au Mexique à partir de 2025 sont liés à des partis politiques ou à des groupes d'intérêts, selon l'IMCO.
Une autre réforme à venir prévoit aussi de supprimer les régulateurs indépendants dans les secteurs de l'énergie et de la télécommunication, pour les remplacer par l'Etat.
Leur élimination "augmenterait l'incertitude autour des règles et des procédures", a signalé l'agence de notation américaine Moody's. Ce qui rendrait l'investissement dans le secteur des infrastructures mexicaines moins attractif.
- Résorber l'incertitude -
L'incertitude juridique et réglementaire, dont les investisseurs ont horreur, compromet également le "nearshoring".
Cette tendance, synonyme d'optimisme économique au Mexique depuis fin 2022, désigne la relocalisation des chaînes de production d'Asie vers des sites plus proches, à la frontière avec les Etats-Unis.
"Je pense que cette délocalisation va s'estomper" si le Mexique remet en question "sa capacité à respecter et à honorer ses accords commerciaux", estime M. Carillo.
La perspective d'un ralentissement de l'économie aurait un impact sur les recettes fiscales dans un moment difficile.
La dette en pourcentage du PIB est passée de 46,8% en 2023 à 50,2% lors de la dernière année au pouvoir du président Lopez Obrador.
La prime que le Mexique verse à ses créanciers (le risque pays) a augmenté après les élections de juin, ce qui inquiète sur ses capacités de rembourser la dette.
Pour répondre aux incertitudes, le futur ministre de l'Economie de Mme Sheinbaum, Marcelo Ebrard, a annoncé une réunion avec 45 grandes entreprises américaines le 15 octobre.
Il expliquera "comment la réforme judiciaire va fonctionner", avec une promesse: "Nous allons respecter vos investissements".
O.Krause--BTB