Berliner Tageblatt - En Corée du Sud, les droits de douane américains menacent de faire fondre le secteur de l'acier

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En Corée du Sud, les droits de douane américains menacent de faire fondre le secteur de l'acier
En Corée du Sud, les droits de douane américains menacent de faire fondre le secteur de l'acier / Photo: © AFP

En Corée du Sud, les droits de douane américains menacent de faire fondre le secteur de l'acier

Les usines de Pohang crachent d'épais panaches gris, symbole d'un avenir qui pourrait bien l'être tout autant pour le secteur de l'acier sud-coréen, sous la menace des nouveaux droits de douane de son partenaire américain.

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La ville portuaire d'un demi-million d'habitants, plantée sur la côte est de la Corée du Sud, est depuis des décennies le cœur sidérurgique du pays, incarné par son géant de l'acier POSCO.

La quatrième économie d'Asie était aussi le quatrième exportateur de cet alliage vers les Etats-Unis en 2024, pesant près de 13% des importations de son allié.

Mais le secteur pâtit de plus en plus de la concurrence internationale et, à Pohang, on redoute les conséquences dévastatrices que pourraient avoir les nouveaux droits de douane sur l'acier imposés par le président américain Donald Trump: 25% à partir du 12 mars.

"L'industrie de l'acier est une industrie nationale vitale", résume auprès de l'AFP le maire de Pohang, Lee Kang-deok, rappelant qu'elle sert de carburant à des activités-clés "telles que la construction, l'automobile et la construction navale".

"Si l'industrie de l'acier s'effondre, l'économie sud-coréenne toute entière sera déstabilisée", prévient l'élu.

- "Pilier du développement" -

Distante de Séoul de près de 270 kilomètres, Pohang est devenue un centre industriel majeur grâce à la présence de POSCO, dans un pays où la plupart des ressources et des centres d'intérêt sont pourtant concentrés dans la capitale.

Le sidérurgiste, leader national et poids lourd à l'international, a été l'une des locomotives de l'industrialisation de la Corée du Sud et figure parmi les moteurs de son commerce extérieur, aux côtés de Hyundai Steel et Dongkuk Steel notamment.

"Pohang est depuis longtemps une ville-symbole de l'acier (...), faisant office de pilier du développement du pays", dit Bang Sung-jun, ancien employé de Hyundai Steel et responsable de la branche de Pohang du syndicat des Travailleurs coréens de la métallurgie.

Cette industrie "a apporté des emplois de qualité et soutenu l'économie locale", affirme-t-il à l'AFP, sans nier l'empreinte environnementale du secteur ni les conditions de travail parfois dangereuses.

- "POSCO nourrit Pohang" -

L'acier sud-coréen fait face ces dernières années à des défis de plus en plus grands, entre les surcapacités de certains concurrents, en particulier la Chine, et une baisse de la demande mondiale, qui tirent les prix vers le bas.

Les droits de douane américains risquent de compliquer encore l'équation: en cas de disparition des débouchés aux Etats-Unis, de l'acier chinois bon marché pourrait inonder l'Europe et l'Asie du Sud-Est, menaçant encore plus les parts des entreprises sud-coréennes, selon les analystes.

"Le protectionnisme de Trump va sans aucun doute affecter (...) l'industrie de l'acier sud-coréenne, déjà mise sous pression par des exportations à bas prix de la Chine et un taux de change du yen japonais défavorable", assure à l'AFP Vladimir Tikhonov, professeur d'études coréennes à l'université d'Oslo.

"Les conséquences seront importantes", prédit-il.

Certains experts estiment néanmoins que la guerre des taxes lancée par Donald Trump peut ouvrir d'autres portes aux firmes de Corée du Sud et faire émerger de nouveaux clients.

A Pohang, l'heure n'est cependant pas aux paris sur d'éventuelles retombées positives: les travailleurs du métal ont peur de perdre leur emploi, alors que plusieurs fabriques se sont déjà éteintes.

Des journalistes de l'AFP ont par exemple visité une usine de Hyundai Steel fermée fin 2024. Elle avait l'air à l'arrêt et n'était alors surveillée que par une poignée d'agents.

Des pancartes syndicales affichaient des messages contre la direction exigeant ses excuses, ont constaté ces reporters, voyant à l'intérieur ce qui semblait être des tas de débris.

"Pour nous, travailleurs, ça a toujours été une crise sans opportunité", déplore Bang Sung-jun, le responsable syndical.

Lee Woo-man, salarié d'un sous-traitant de POSCO pendant deux décennies, déclare pour sa part à l'AFP que 20 collègues ont perdu leur emploi l'an passé.

Il explique s'attendre à ce que le taux d'emploi "baisse encore plus" au cours des quatre prochaines années et pense que les droits de douane décrétés par Donald Trump vont accélérer le déclin de Pohang.

M. Lee raconte avoir grandi ici en se disant que "POSCO nourrit Pohang".

Mais la ville a perdu sa vitalité d'antan et la vue des cheminées le rend aujourd'hui plus anxieux qu'autre chose.

"Je ne sais pas quand tout ça va s'effondrer", souffle-t-il.

M.Ouellet--BTB