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Bangladesh: avec la déforestation, les chacals attaquent
Jusqu'à ce matin de novembre, où Musqan, une fillette 4 ans, a été attaquée et mutilée au milieu des rizières, peu d'habitants du district reculé de Netrokona (est) avaient vu un chacal. Mais avec la déforestation, ces attaques se multiplient au Bangladesh.
Et la tendance dans ce pays densément peuplé d'Asie du sud pourrait s'aggraver avec le changement climatique, selon les experts.
Après de multiples opérations chirurgicales, Musqan se remet doucement de ses blessures. Son visage reste défiguré et un de ses yeux gonflé.
"Cela s'est passé en plein jour", raconte à l'AFP sa tante Ishrat Jahan. "Un chacal l'a poussée au sol et l'a mordue aveuglément. D'autres villageois ont ensuite tué l'animal" mais selon elle, ils sont "tous encore traumatisés".
Le chacal doré ou chacal commun, comme celui qui s'en est pris à la petite Musqan, ressemble à un loup dont il se distingue par une taille plus petite, proche de celle d'un lévrier. L'espèce est nocturne et s'aventure peu au contact de l'homme, ce qui rend l'incident d'autant plus inhabituel.
Mais pour Zohed Mahmud, qui s'est consacré huit ans à étudier cet espèce à l'université indépendante de Dacca, le lien avec "l'érosion progressive de leurs habitats" est évident.
"Ces créatures autrefois timides se sont mises à nous regarder fixement", souligne-t-il, et alors qu'"ils sont censés sortir le soir ou la nuit, nous les avons vus le jour".
- Urbanisation et déforestation -
Avec l'urbanisation et l'exploitation forestière, l'activité humaine a empiété sur les habitats naturels des chacals, et si cette perte d'habitat continue, les attaques "ne s'arrêteront pas", met-il en garde.
Or, selon la plateforme de données et de suivi des forêts Global Forest Watch, le Bangladesh enregistre une perte régulière de couvert forestier.
Le pays est en outre l'un des plus vulnérables au changement climatique. Pour la deuxième année consécutive, il a connu d'importantes inondations en septembre qui ont conduit à l'évacuation de millions de personnes.
"Avec les inondations, (les chacals) ont perdu leur habitat et leur nourriture", explique l'AFP Obaidul Islam, victime d'une morsure à Nilphamari, dans le nord du pays. "Ils sont donc venus et ont mordu plus d'une dizaine d'habitants dans notre village", dit-il.
Rakibul Hasan Mukul, directeur de la fondation Arannyak, chargée de la conservation de la forêt tropicale au Bangladesh, observe lui aussi que le changement climatique provoque des inondations plus extrêmes et plus fréquentes.
Cela entraîne une érosion des terres agricoles qui génère à son tour le déplacement d'habitants et de la déforestation : "Les gens coupent les buissons autour des zones humides et de leurs habitations pour cultiver. Résultat, les petits mammifères (...) perdent leur habitat", dit-il.
- Ils "arrachent la chair" -
Le ministère de la Santé du Bangladesh ne tient pas un décompte précis des morsures de chacals, mais l'activité des hôpitaux semble attester d'un nombre inquiétant d'attaques cette année, voire sans précédent.
Au sud de la capitale Dacca, l'hôpital du district de Munshiganj a soigné 20 personnes en une seule journée en novembre : "Je n'ai jamais vu autant de personnes arriver avec des morsures en un jour", constate son directeur Dewan Nizam Uddin Ahmed.
A l'autre bout du pays, le directeur de l'hôpital de Dinajpur (ouest) indique lui aussi à l'AFP avoir enregistré 12 cas en un jour. "Nous recevons régulièrement des patients qui ont été mordus", note Mohammad Fazlur Rahman.
Les chacals, qui fuient généralement le contact avec l'homme, ont aussi tendance à devenir plus aventureux et agressifs s'ils contractent la rage, maladie endémique au Bangladesh et mortelle chez l'homme à moins d'être vacciné ou de recevoir un traitement médical rapide.
Musqan a ainsi été hospitalisée trois jours pour un traitement préventif contre la rage. Elle a passé un mois à l'hôpital pour de multiples interventions chirurgicales et demeure profondément traumatisée par l'attaque.
"On peut prévenir la rage grâce aux vaccins", indique Ariful Bashar, un des médecins de l'hôpital qui a pris en charge l'enfant. "Mais la plupart du temps, les chacals arrachent la chair, déforment leurs victimes. Presque toutes ont alors besoin d'une chirurgie réparatrice".
J.Bergmann--BTB