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L'attaque d'une centrale en Ukraine, une "menace pour le monde", le conflit s'embrase
L'attaque dans la plus grande centrale nucléaire d'Ukraine et d'Europe dans la nuit a fait craindre une catastrophe sur le terrain et monter le ton contre Moscou, Washington évoquant une "menace pour l'Europe et le monde".
"Nous avons survécu à une nuit qui aurait pu mettre un terme à l'Histoire. L'Histoire de l'Ukraine. L'Histoire de l'Europe": une explosion à la centrale de Zaporojie, dans le sud de l'Ukraine, aurait été l'équivalent de "six Tchernobyl", a mis en garde le président ukrainien Volodymyr Zelensky alors qu'ailleurs sur le terrain la pression de l'armée russe se maintient sur les villes clés du pays.
Vendredi, l'armée russe occupait la centrale de Zaporojie où des frappes de son artillerie, selon les Ukrainiens, ont provoqué un incendie - dont Moscou nie être à l'origine.
En début de matinée, les autorités ukrainiennes indiquaient que le feu, qui a touché un laboratoire et un bâtiment de formation, avait été éteint et qu'aucune fuite radioactive n'avait été détectée.
L'information a été confirmée par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) selon laquelle aucun équipement "essentiel" n'a été endommagé.
Mais cet incendie a contribué à l'angoisse grandissante des Occidentaux face à un conflit qui embrase désormais toute l'Ukraine, avec une liste de plus en plus longue de villes bombardées, au neuvième jour de l'invasion russe.
"C'est la première fois qu'un conflit militaire a lieu dans un pays doté d'un large programme nucléaire", a souligné ajouté Rafael Grossi, le chef de l'AIEA.
Cela a représenté "une immense menace pour toute l'Europe et le monde", a réagi vendredi au Conseil de sécurité de l'ONU réuni en urgence l'ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield.
A Moscou, le porte-parole du ministère russe de la Défense Igor Konachenkov a accusé des "groupes de saboteurs ukrainiens avec la participation de mercenaires" d'avoir déclenché l'incendie dans la centrale.
La Russie n'a pas attaqué le site nucléaire ukrainien de Zaporojie, c'est un "mensonge", a martelé l'ambassadeur russe au Conseil de sécurité de l'ONU Vassili Nebenzia.
Mais les ministres des Affaires étrangères des pays du G7 ont déjà annoncé dans un communiqué commun qu'ils allaient "imposer de nouvelles sanctions sévères en réponse à l'agression russe".
A Bruxelles, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a averti que l'UE se tenait prête à adopter "de nouvelles sanctions sévères si Poutine n'arrête pas la guerre qu'il a déclenchée".
Insistant sur la nécessité de "mettre fin" à ce conflit, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a prévenu que l'Alliance atlantique ne pouvait répondre à la demande de création d'une zone d'exclusion aérienne, pour éviter de se laisser entraîner dans le conflit.
Zaporojie, située sur le fleuve Dniepr à environ 550 km au sud-est de Kiev, a une capacité totale de près de 6.000 mégawatts, assez pour fournir en électricité environ quatre millions de foyers. Elle a été inaugurée en 1985, quand l'Ukraine faisait encore partie de l'Union soviétique.
Le 24 février, des combats avaient déjà eu lieu près de l'ancienne centrale de Tchernobyl, à une centaine de kilomètres au nord de Kiev, désormais aux mains des troupes russes.
- "Un enfer" -
Ailleurs sur le terrain, la pression se maintenait.
Les combats se poursuivaient à Tcherniguiv, au nord de Kiev, où l'Ukraine a accusé Moscou d'avoir bombardé jeudi une zone résidentielle et des écoles, faisant 47 morts selon un nouveau bilan.
Des tirs ont été entendus à Boutcha, au nord-ouest de la capitale, où étaient visibles des blindés russes détruits. A l'est, de la fumée s'élevait d'entrepôts bombardés, ont pu voir des photographes de l'AFP.
A quelque 350 km à l'est de Kiev, la situation est aussi devenue "un enfer" à Okhtyrka, et elle est "critique" à Soumy, selon les autorités.
Quant au port stratégique de Marioupol, au sud-est, où le maire a accusé jeudi les forces russes de vouloir instaurer "un blocus", la situation humanitaire est "terrible" après 40 heures de bombardements ininterrompus, y compris sur des écoles et des hôpitaux, a déclaré à la BBC le maire-adjoint de la ville, Sergueï Orlov.
Vendredi matin, au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU une résolution en faveur d'une commission d'enquête internationale sur les violations des droits humains et du droit humanitaire en Ukraine a été votée à une écrasante majorité.
A Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine à 50 km de la frontière russe (nord-est), les forces russes ont fait usage d'armes à sous-munitions dont l'emploi pourrait constituer un crime de guerre "dans au moins trois quartiers résidentiels" le 28 février, a accusé l'organisation américaine Human Rights Watch (HRW).
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a lui accusé des soldats russes de "violer des femmes dans les villes ukrainiennes occupées".
Le président russe Vladimir Poutine a assuré que les forces russes ne bombardaient pas Kiev et les grandes villes ukrainiennes, qualifiant de "grossière fabrication de propagande" les informations sur les destructions menées par Moscou.
Un troisième round de négociations avec la Russie se profile pour ce weekend, a déclaré l'un des négociateurs ukrainiens, Mykhaïlo Podoliak, conseiller du chef de l'administration présidentielle.
Mais le dialogue n'est possible que si "toutes les exigences russes" sont acceptées, a toutefois averti le président russe.
Il a répété qu'il exigeait un statut "neutre et non-nucléaire" pour l'Ukraine, sa "démilitarisation obligatoire" et sa "dénazification", la reconnaissance de l'annexion de la péninsule de Crimée par la Russie et la "souveraineté" des régions séparatistes prorusses de l'Est ukrainien, Donetsk et Lougansk.
En attendant, une responsable du Pentagone a annoncé que "du matériel pour un montant de 240 millions de dollars, y compris certains des équipements les plus indispensables comme les équipements anti-blindés", avait été remis aux forces ukrainiennes "à plusieurs endroits".
La population ukrainienne continue elle d'aider comme elle peut à l'effort de guerre.
A Kiev, Ksenia Pavliouk a pris la tête d'une équipe de 30 bénévoles qui assurent dans toute la ville la livraison de l'aide internationale destinée aux civils, aux soldats et aux membres des milices d'autodéfense.
A Lviv (ouest), avec quelques tutoriels trouvés sur Internet, et des rails datant de l'Empire austro-hongrois récupérés à droite à gauche, Tarass Filipchak et ses copains se sont mis à fabriquer des obstacles anti-char.
- Couloirs humanitaires -
En Russie, le Kremlin a durci parallèlement sa répression de toutes les voix dissidentes face au conflit.
Depuis le début de l'offensive le 24 février, arrestations, fermetures des rares médias indépendants restants et nouveaux textes répressifs s'enchaînent, alors que le Kremlin et les grands médias russes présentent le conflit comme "une opération militaire spéciale" et bannissent le mot "invasion".
Vendredi, les autorités russes ont restreint l'accès aux sites de plusieurs médias indépendants: l'édition locale de la BBC, la radio-télévision internationale allemande Deutsche Welle, le site indépendant Meduza (basé à Riga), Radio Svoboda, antenne russe de RFE/RL, Voice of America.
Vladimir Poutine a signé une loi précédemment adoptée par les députés russes, prévoyant jusqu'à quinze ans de prison pour toute personne publiant des "informations mensongères" qui entraîneraient des "conséquences sérieuses" pour les forces armées.
Les conséquences en chaîne de ce conflit continuaient de s'aggraver.
Plus de 1,2 million de réfugiés ont déjà fui l'Ukraine, selon le dernier décompte de l'ONU.
Les pays du G7 ont réclamé vendredi la mise en place "rapide" de couloirs humanitaires en Ukraine pour faciliter l'évacuation des civils et permettre l'accès des "organisations d'aide" des Nations unies et du "personnel médical".
On ignorait pour l'instant si ces couloirs, que des négociateurs russes et ukrainiens ont convenu d'organiser lors d'un deuxième round de négociations, se mettaient en place.
Les Bourses, sur plusieurs places de l'Asie à l'Europe, ont décroché vendredi.
Paris a dévissé de 4,97% à 6.061,66 points, bouclant sa pire semaine depuis l'annonce du premier confinement en 2020, Francfort a lâché 4,41% et Milan 6,24%, sa pire journée depuis mars 2020. Sur la semaine elles perdent plus de 10% chacune.
Autre signe de fébrilité en Europe, la monnaie unique est passée sous le seuil symbolique de 1,10 dollar pour un euro, un niveau plus vu depuis les premiers mois de la pandémie de Covid-19.
Le gaz naturel européen a lui dépassé 200 euros le mégawattheure, une première.
burs-cat-dp/bur/lpt
J.Fankhauser--BTB