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Yoon Suk-yeol, ancien procureur, novice en politique et prochain président de Corée du Sud
Yoon Suk-yeol, élu mercredi président de Corée du Sud, est un ancien procureur récemment entré en politique, qui doit sa célébrité à ses enquêtes implacables dans des affaires de corruption visant le sommet du pouvoir.
M. Yoon, 61 ans, a été critiqué pour des propos jugés misogynes et pour des remarques qui ont mis en évidence son ignorance de nombreux domaines importants.
Né à Séoul en 1960, Yoon Suk-yeol est devenu procureur en 1994. Il a joué un rôle majeur dans l'enquête pour abus de pouvoir qui a abouti, en 2016, à la destitution puis à l'incarcération de la présidente Park Geun-hye.
Nommé procureur général par Moon Jae-in -le successeur de Mme Park et l'actuel président sortant-, M. Yoon a vite affirmé son indépendance. En 2019, faisant fi des pressions de la Maison Bleue, le palais présidentiel, il inculpait pour fraude et corruption Cho Kuk, un des proches collaborateurs de M. Moon.
Ce scandale a entaché l'image d'honnêteté que véhiculait jusqu'alors le gouvernement de centre-gauche de Moon Jae-in et du Parti démocratique. Mais il a rendu Yoon Suk-yeol célèbre, ce qui a conduit le Parti du pouvoir au peuple (PPP), la principale formation de l'opposition de droite, à le courtiser jusqu'à faire de lui son candidat présidentiel en juin.
M. Yoon "s'est construit une réputation de féroce pourfendeur de l'abus de pouvoir, ce n'est pas un dirigeant démocratique conventionnel qui privilégie la négociation et le compromis", explique à l'AFP Gi-Wook Shin, professeur de sociologie à l'Université de Stanford.
A son poste de procureur général, il a "résisté aux pressions politiques", mais il a pour cela "privilégié les coups de force", poursuit ce chercheur, selon qui M. Yoon a "les caractéristiques des hommes forts du populisme".
Yoon Suk-yeol se dit inspiré en politique par l'ancien Premier ministre britannique Winston Churchill. Mais il s'est aussi fait remarquer par des louanges à l'ex-dictateur sud-coréen Chun Doo-hwan et pour des propos sexistes.
Antiféministe assumé, il a notamment nié l'existence des discriminations systématiques, et amplement prouvées, dont souffrent les femmes en Corée du Sud. Il a aussi promis d'abolir le ministère de l'Egalité hommes-femmes, dont les missions consistent notamment à lutter contre la violence domestique et le trafic d'êtres humains.
Les sondages révèlent que plus de 58% des hommes de moins de 30 ans, et moins de 34% des femmes du même âge, ont voté pour lui.
- Désir de vengeance -
L'ancien procureur a séduit l'électorat conservateur, qui rêvait de venger la chute de Park Geun-hye. Jouant sur ce désir de revanche, M. Yoon a même menacé de poursuivre le président sortant Moon, sans préciser pour quels motifs.
S'il met ces projets à exécution, la Corée du Sud "sombrera dans une nouvelle tempête politique", prédit le professeur Shin, de Stanford.
Selon ce chercheur, M. Yoon est devenu une "icône" pour la droite parce qu'il était perçu comme "la personne la plus capable de battre le candidat du Parti démocrate, malgré son manque d'expérience politique".
"Ce n'est pas de bon augure pour la démocratie coréenne, car on peut s'attendre à plus de polarisation", prévient-il.
M. Yoon a qualifié le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un de "gamin malpoli" et a promis de lui "secouer les puces" en ordonnant, si nécessaire, une frappe préventive contre Pyongyang, hypothèse que la plupart des analystes jugent irréaliste.
Et pour tenir tête au Nord, M. Yoon souhaite acheter davantage de missiles antimissiles américains THAAD, même si cela exposerait la Corée du Sud à des représailles de la Chine, son principal partenaire commercial.
"Son manque d'expérience politique aura des répercussions sur le domaine de la politique étrangère", prédit Minseon Ku, professeur de sciences politiques à l'université de l'Etat de l'Ohio.
Selon elle, M. Yoon et son camp "ont l'air de se contenter de faire des copiés-collés de phrases sur la politique étrangère qu'ils trouvent dans des discours de présidents républicains aux Etats-Unis".
Après son investiture en mai, le nouveau président, qui n'a aucune expérience parlementaire, devra affronter une Assemblée nationale toujours contrôlée par le Parti démocratique et peu encline à lui faire des cadeaux.
"La prochaine présidence s'installe dans un monde en transition", tout particulièrement après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, estime Karl Friedhoff, du Chicago Council on Global Affairs. "Cela entraînera pour la Corée du Sud des choix et des sacrifices qu'elle n'a jamais fait dans le passé. Yoon sera-t-il à la hauteur? Je ne sais pas".
C.Kovalenko--BTB