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Colère et heurts à la manifestation en soutien d'Yvan Colonna à Bastia
"Etat français assassin": le ton a été très vite donné dimanche à Bastia lors de la manifestation en soutien à Yvan Colonna, onze jours après l'agression en prison de ce militant indépendantiste condamné pour sa participation à l'assassinat du préfet Erignac.
Repris par les quelques milliers de personnes partis sous une pluie fine et froide du palais de justice, ce slogan traduisait la tension dans l'île depuis le 2 mars et l'agression de l'ancien berger à la prison d'Arles (Bouches-du-Rhône), qui l'a plongé dans le coma.
"Liberta, Liberta !": capuches sur la tête pour les plus jeunes, parapluie pour les plus âgés, toutes les générations étaient représentées dans une foule sur laquelle flottaient de nombreux drapeaux frappés de la tête de Maure, ainsi que des banderoles portant le visage de Colonna.
Gaz lacrymogènes et canons à eau d'un côté, cocktails molotov, bombes agricoles et cailloux récupérés sur les voies ferrées de l'autre: les plus modérés ont vite dû déserter.
"Ne filmez pas, salauds de Français": pour certains, la présence des journalistes sur place n'était visiblement pas souhaitée.
Selon le dernier point de la préfecture, 22 personnes ont été blessées, 16 membres des forces de l'ordre, cinq manifestants et un passant. A la dispersion de la marche, en fin d'après-midi, de nombreux heurts ont en effet éclaté entre les forces de l'ordre et des groupes de jeunes particulièrement virulents, dégénérant en quasi guérilla urbaine avec la tombée de la nuit.
"Des émeutes ont lieu à Bastia depuis 16h30", a insisté en début de soirée le procureur de la République de Bastia, Arnaud Viornery, à l'AFP, "et les violences se poursuivent". Vers 17h30, un incendie s'était déclaré à l'entrée de l'hôtel des impôts, dont les vitres avaient été brisées par les cocktails molotov. Et plusieurs feux de palettes étaient allumés sur la chaussée ici et là.
"La manifestation c'était bien, tranquille, (...) il ne faut pas retenir que les débordements", a insisté une manifestante de 50 ans, Dominique Mannucci, à l'AFP.
De fait, l'appel officiel à la manifestation était sobre, demandant "la vérité et la justice pour Yvan, la liberté pour les patriotes et la reconnaissance du peuple corse".
- "Pas des casseurs" -
Pour Gilles Simeoni, président autonomiste du conseil exécutif de Corse et ancien avocat d'Yvan Colonna, "il faut aller aujourd'hui au-delà des slogans": "La colère et l'indignation s'expriment", a-t-il concédé auprès de l'AFP, au départ de la marche, "mais ce qui compte, c'est que le peuple corse tout entier est mobilisé contre l'injustice, l'exigence de vérité et au-delà pour une véritable solution politique" entre l'Etat et la Corse.
Selon la préfecture, quelque 7.000 personnes ont manifesté dimanche à Bastia, 12.000 selon les organisateurs du rassemblement. Près du double par rapport au dimanche précédent à Corte.
Pour Marité Costa, 58 ans, cette colère s'explique: "On dit +les jeunes, c'est des casseurs+, mais c'est pas des casseurs, ils se battent. C'est grâce à eux que ça a bougé".
La quinquagénaire fait référence à la décision du Premier ministre Jean Castex de lever le statut de "détenu particulièrement signalé" (DPS) de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, deux autres membres du "commando Erignac" encore détenus sur le continent. Statut qui bloquait le rapprochement des trois hommes dans une prison corse.
"C'est trop tard! Les Corses ne sont pas dupes. On se fout de notre gueule", a estimé Antoine Negretti, 29 ans. "S'il y a des violences, ça sera la responsabilité de l'Etat. En sept ans, rien n'a avancé, et en sept jours de violences, les choses ont bougé. La violence est nécessaire."
"Ce n'est qu'un petit pas, on souhaite plus d'avancées, de dialogue, la reconnaissance de notre peuple", a insisté Lelia Beretti, 27 ans.
La découverte juste avant la manifestation d'un stock d'environ 300 cocktails molotov avait déjà indiqué l'ambiance, malgré de nombreux appels au calme ces dernières 48 heures.
"Si l'émotion est légitime, elle ne peut et ne doit conduire à la violence", avaient ainsi estimé quelque 60 maires et élus de Haute-Corse dans une motion.
ag-mc-ol-est/cal
C.Kovalenko--BTB