Berliner Tageblatt - Troc, pénurie et services publics délabrés: le quotidien de l'intérieur du Venezuela

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Troc, pénurie et services publics délabrés: le quotidien de l'intérieur du Venezuela
Troc, pénurie et services publics délabrés: le quotidien de l'intérieur du Venezuela / Photo: © AFP

Troc, pénurie et services publics délabrés: le quotidien de l'intérieur du Venezuela

Pénurie de carburant, rationnement de l'électricité, hôpitaux en état de délabrement et routes défoncées : dès qu'on quitte la "bulle" de Caracas, on se heurte au dur quotidien des provinces vénézuéliennes, comme abandonnées à leur sort après des années de crise.

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Biscucuy, ville caféière de l'Etat de Portuguesa (ouest), est à l'image de cette débâcle qui se répète dans tout le pays.

A l'approche de la présidentielle du 28 juillet, le président Nicolas Maduro, qui brigue un troisième mandat, promet de remettre tout en état de marche grâce à une reprise économique qu'il annonce au coin de la rue, jurant que grâce à sa gestion, les mauvaises années sont passées. L'opposition parle elle de "changement" et garantit une nouvelle ère de prospérité qui bénéficiera à tous.

"L'économie du village n'est pas facile... C'est dur pour tout, je n'ai jamais vu une telle situation de ma vie", résume José Gregorio Mejia, un mécanicien de 56 ans, les mains et les vêtements couverts de graisse. Il doit être opéré d'une obstruction urinaire, mais l'hôpital, dont la façade est pleine de rouille, n'a pas le matériel nécessaire.

Il dissimule un sac d'urine sous sa chemise et, bien que le médecin lui ait conseillé de se reposer, il se doit de travailler tous les jours pour gagner deux à quatre dollars. Une misère qui ne suffira pas à financer son opération.

"Avant on disait +travaillons quand on est jeunes pour vivre heureux lors de nos vieux jours+, mais maintenant nous ne pouvons plus le dire parce que ce gouvernement a mis fin aux salaires", se plaint Rosa de Madrid, une enseignante de 62 ans, qui vit grâce au soutien de sa fille qui a émigré aux États-Unis.

Le président Maduro impute souvent la grave crise économique aux sanctions imposées en 2019 par les Etats-Unis pour contester sa réélection décriée de 2018. Mais les habitants et les experts s'accordent à dire que les problèmes ont commencé bien plus tôt et que le gouvernement a concentré ses efforts sur Caracas, délaissant la province.

- Troc -

Biscucuy récolte entre 60 et 70% du café vénézuélien, mais la production devient de plus en plus difficile.

Les coupures de courant de plus de quatre heures sont le lot quotidien dans cette municipalité de 50.000 habitants. Les routes sont parsemées de trous et deviennent boueuses, impraticables, quand il pleut.

La famille Hernandez, par exemple, trouve difficilement du diesel pour la machine qui sèche le café et de l'essence pour le transporter jusqu'au village. Il n'y a pas assez d'engrais et les agriculteurs se plaignent du prix payé par le gouvernement pour leur café.

"On est train de se noyer", explique à l'AFP Migdalis Hernandez, 53 ans, qui dirige l'exploitation familiale. "Le gazole est très cher. Pour sécher dix sacs de café, il faut 200 litres".

Pour produire les 80 quintaux (3.680 kg) par an envisagés, il leur faut investir quelque 800 dollars dans le diesel. De nombreux producteurs de café consacrent une partie de leur production au troc: café contre nourriture.

Rafael Hernandez, qui vit également dans la région, utilise une partie de sa production pour acheter de la farine de maïs, des pâtes, du sucre et de l'huile végétale. Il n'a pas assez d'argent pour acheter de la viande.

"Nos producteurs de café mangent mal", dit le maire de Biscucuy, Jobito Villegas, estimant qu'entre "5 et 10.000 personnes ont quitté la ville" à cause de la crise. "Les jeunes sont partis et les vieux sont restés. Nous perdons notre main-d'œuvre", déplore-t-il.

"Avant, c'était l'exode des paysans de Biscucuy vers Caracas, maintenant ils quittent Biscucuy pour les États-Unis", destination de milliers de migrants vénézuéliens.

Migdalis Hernandez continue elle à miser sur sa ferme, espérant s'en sortir sans émigrer. "C'est ce que nous avons, c'est notre héritage, c'est ce que nos parents nous ont laissé, c'est notre gagne-pain, comment pourrions-nous l'abandonner ? On se doit de continuer".

N.Fournier--BTB