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L'Assemblée nationale ouvre ses débats sur la censure du gouvernement
L'Assemblée nationale a ouvert mercredi peu avant 17H00 les débats d'une séance cruciale et historique, qui devrait voir chuter le gouvernement de Michel Barnier, un geste inédit depuis 1962 qui plongerait le pays dans une grande incertitude politique et budgétaire.
Dans un hémicycle comble et une ambiance très agitée, les députés examinent deux motions de censure, déposées lundi par la gauche et le Rassemblement national, après que le gouvernement a engagé sa responsabilité pour faire adopter sans vote le budget de la Sécurité sociale.
La motion de la gauche devrait être adoptée dans la soirée, grâce au soutien du RN. L'extrême droite, qui avait donné son aval à la formation du gouvernement Barnier en septembre et l'avait placé sous "surveillance", a décidé après trois mois de le renverser, estimant ses demandes insuffisamment prises en compte dans le budget.
Le président de la République "est aujourd'hui un obstacle, et en rien une solution. Aujourd'hui nous votons la censure de votre gouvernement mais, plus que tout, nous sonnons le glas d'un mandat: celui du président", a déclaré à l'ouverture des débats le député de Seine-Saint-Denis depuis la tribune de l'hémicycle.
"La politique du pire serait de ne pas censurer un tel budget", a déclaré de son côté la cheffe des députés RN. Face à la "défiance populaire", c'est à Emmanuel Macron de "conclure s'il est en mesure de rester ou pas" président, a-t-elle ajouté.
"On vit une journée historique, mais avec le sentiment de faire le bon choix pour les Français (..) On sait que ce moment sera dans les livres d'histoire", avait déclaré un peu plus tôt le député RN Thomas Ménagé. "Moi je me regarde dans la glace, avec la sensation d'être en cohérence avec moi-même et les Français."
- "Perte de repères" -
Jusqu'au dernier moment, les responsables de l'exécutif et de la coalition gouvernementale ont voulu écarter l'inéluctabilité de ce scénario, en appelant à la "responsabilité" des députés.
Depuis Ryad, Emmanuel Macron a dit mardi soir ne "pas croire au vote de la censure", pointant un "cynisme insoutenable" du RN s'il joignait ses voix à celles du NFP qui vilipende les lepénistes dans sa motion, et du côté du PS une "perte de repères complète".
Michel Barnier a lui souligné sur TF1 et France 2, que chaque député avait "une part de responsabilité", espérant que prévale "l'intérêt supérieur du pays".
Si M. Macron a appelé à "ne pas faire peur aux gens" en évoquant un risque de crise financière, M. Barnier a lui dramatisé l'enjeu, répétant que la censure rendrait "tout plus difficile et plus grave", alors que les signaux sont déjà, selon lui, au rouge sur les plans budgétaire, financier, économique et social.
Le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (LR) a déploré "une mélenchonisation" du RN.
"Les institutions nous contraignent à mêler nos voix à celles de l’extrême gauche, ce n'est pas de gaité de cœur", a répliqué depuis l'hémicycle Marine Le Pen.
- LR menace de reprendre sa liberté -
Le président de la République, qui a commencé selon ses proches à "tester" des options pour la succession de M. Barnier, doit atterrir à Paris en début de soirée.
Au sein du socle commun qui peinait déjà à soutenir de manière unie Michel Barnier (LR, Modem, Horizons et macronistes), les fissures pourraient s'élargir sur les stratégies d'après-censure.
LR menace déjà de reprendre sa liberté: son chef de file Laurent Wauquiez souligne que l'engagement de son parti avec la coalition gouvernementale en septembre "ne valait que pour Michel Barnier". De son côté, le chef de file des députés macronistes Gabriel Attal propose de nouer un accord de "non censure" avec le PS pour échapper à la tutelle du RN.
Pour Matignon, le vice-président du MoDem Marc Fesneau a plaidé pour son président François Bayrou, une "hypothèse sérieuse" car il "a le profil le plus pertinent". Les noms du ministre des Armées Sébastien Lecornu ou du LR Xavier Bertrand sont à nouveau évoqués comme cet été.
Beaucoup, à l'instar de la présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet, demandent en tout cas pour une solution rapide, qui permette de mener à bien au moins en partie les textes budgétaires avant la date butoir du 31 décembre.
A défaut, les députés devront voter une "loi spéciale" qui permette d'assurer la continuité du fonctionnement de l'Etat.
La gauche reste de son côté désunie sur l'après-Barnier. Le PS voudrait "un gouvernement de gauche ouvert au compromis", que le socle commun s'engagerait à ne pas censurer en échange d'un renoncement au 49.3.
Le sénateur écologiste Yannick Jadot souhaite même que ce gouvernement de gauche inclue "des ministres issus du bloc central" à l'opposé de la position de son parti.
De son côté, LFI continue de réclamer la démission d'Emmanuel Macron.
sl-parl/sde/gvy
L.Janezki--BTB