Berliner Tageblatt - Dans un fief roumain de l'extrême droite, désillusion et espoir de changement

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Dans un fief roumain de l'extrême droite, désillusion et espoir de changement
Dans un fief roumain de l'extrême droite, désillusion et espoir de changement / Photo: © AFP

Dans un fief roumain de l'extrême droite, désillusion et espoir de changement

"Foi chrétienne" et envie de "changement": dans le village de Mihai Viteazu, les habitants ont plébiscité l'extrême droite et le candidat nationaliste à la présidentielle, Calin Georgescu, un vote conservateur et de ras-le-bol plus que contre l'Europe.

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"Comment en est-on arrivé là ? Tout simplement parce que les gens disent stop et veulent du changement", estime Ciprian Gavrila dans son bar, où une télévision diffuse un programme sur les élections.

"Les partis au pouvoir nous ont trompés et menti", accuse l'entrepreneur de 43 ans, cheveux rasés et jogging sombre, membre du parti d'extrême droite SOS Roumanie qui a fait son entrée au Parlement à l'issue des législatives de dimanche.

A Mihai Viteazu, cette formation et deux autres du même camp ont rassemblé près de 65%, soit le score le plus haut de ce pays d'Europe orientale, l'un des plus pauvres de l'UE.

Calin Georgescu a également enregistré l'un de ses meilleurs résultats au premier tour dans la commune de 3.000 habitants: 45,5%, contre près de 23% au niveau national.

Cet ancien haut fonctionnaire de 62 ans a créé la surprise et affrontera dimanche la centriste Elena Lasconi dans un scrutin aux airs de référendum sur l'avenir européen de ce pays voisin de l'Ukraine et membre de l'Otan.

Le maire libéral du village, Adrian Costache, reconnaît avoir lui-même été "surpris" par le soutien populaire à M. Georgescu, absent des conversations avant le scrutin.

- "Un homme capable de nous mener" -

Mihai Filip, vendeur de 55 ans, suit le candidat depuis deux mois sur internet, notamment sur TikTok.

C'est sur ce réseau que Calin Georgescu, avec son message "Roumanie d'abord", a conquis de nombreuses voix. Il y a bénéficié d'une vaste campagne de promotion, selon les autorités, qui dressent des parallèles avec de précédents efforts d'ingérence électorale russe en Europe.

"Est-il du côté russe ? Non, il se soucie avant tout des Roumains", lance M. Filip, pas effrayé par les accusations visant le candidat malgré le douloureux passé de ce pays de l'ex-bloc communiste.

Ses griefs sont nombreux car "tout est cher en ce moment, alors que les salaires sont bas". Mais ce qui lui plaît surtout chez le candidat, c'est sa "foi chrétienne" et ses valeurs conservatrices.

Comme d'autres habitants, Filip associe spontanément son adversaire, Mme Lasconi, à des politiques pro-LGBT.

"Elle fera adopter une loi sur le mariage entre deux hommes, je ne veux pas de ça", tranche-t-il. D'autant plus qu'on "n'a pas besoin d'une femme pour nous gouverner" mais "d'un homme capable de bien nous mener", lâche-t-il, saluant au passage l'élection de Donald Trump aux Etats-Unis.

Elena Lasconi, qui a dénoncé des "manipulations russes", ne s'est jamais prononcé pour le mariage homosexuel mais en faveur d'un partenariat civil.

- "Pourquoi ne pas essayer?" -

Calin Georgescu "s'appuie sur le traditionalisme de la société roumaine" et représente aussi "un vote protestataire" pour les déçus du système, résume le politologue Marius Ghincea.

La guerre en Ukraine n'apparaît pas au cœur des préoccupations dans ce village pourtant à moins de cent kilomètres de la frontière ukrainienne et situé dans la région de Constanta, qui accueille une importante base aérienne de l'Otan.

Critique de l'Alliance atlantique, le candidat, admirateur par le passé du président Vladimir Poutine, veut mettre fin à l'aide militaire apportée à l'Ukraine et sa possible victoire inquiète Bruxelles et Washington.

Daniel Panait, 21 ans, dit certes avoir un peu peur, mais il vote Georgescu car "rien n'a été fait dans ce pays". De surcroît, lui non plus ne "veut rien avoir affaire" avec "les lesbiennes et ce type de gens".

"Tout le monde dit qu'il est avec les Russes (...) mais je vote quand même pour lui, car c'est un homme", confie Marian Popa Romel, un ouvrier de 56 ans.

Ciprian Gavrila n'a pas voté au premier tour.

Propriétaire d'un lave-auto en plus de son bar, il est furieux de devoir s'acquitter de plus en plus d'impôts et critique les modestes aides d'Etat accordées aux entrepreneurs.

Dimanche, son choix se portera sans hésiter sur le sexagénaire. "Je serais ravi s'il était élu", dit-il. Après tant d'années sous l'égide des mêmes partis, "pourquoi on n'essayerait pas pour voir comment il s'en sort ?"

J.Bergmann--BTB