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La démocratie en Corée du Sud vit son "moment le plus critique", dit le chef de l'opposition à l'AFP
La nuit de vendredi à samedi est "le moment le plus critique" de l'histoire démocratique sud-coréenne, a affirmé dans un entretien à l'AFP le chef de l'opposition Lee Jae-myung, à 24 heures du vote du Parlement sur la motion en destitution contre le président Yoon Suk Yeol.
Le moment décisif est attendu à 19H00 locales samedi (10H00 GMT), près de quatre jours après la proclamation, à la surprise générale, de la loi martiale par M. Yoon.
Le dirigeant a dû faire marche arrière six heures plus tard sous la pression de l'Assemblée nationale, où l'opposition est majoritaire, et de la rue.
Lee Jae-myung estime toutefois que le pays reste vulnérable à une "nouvelle tentative de loi martiale".
Outre la fermeture de l'institution, cette loi impliquait la suspension de la vie politique et la mise sous contrôle militaire des médias. Une mesure qui avait été activée pour la dernière fois en 1980, suivant le coup d'Etat militaire de 1979.
"Avec le vote sur la destitution prévu demain, les heures qui viennent sont extrêmement dangereuses. Cette nuit sera le moment le plus critique", affirme le chef de l'opposition, lors d'une interview à l'Assemblée.
"Les gens pourraient croire que l'armée et la police hésiteraient à soutenir un deuxième essai, mais Yoon pourrait exploiter des failles pour retenter le coup", prévient-il.
Le ministre de la Défense par intérim a affirmé qu'il n'en serait rien.
Toujours est-il que le Parti démocrate de M. Lee, principale force d'opposition du Parti du pouvoir au peuple (PPP) de M. Yoon, a appelé ses 170 élus à camper dans l'hémicycle jusqu'au vote samedi afin d'éviter que les événements de la nuit de mardi à mercredi ne se répètent.
- "J'ai pensé qu'elle blaguait" -
Convoqués pour une session d'urgence, 190 députés avaient réussi à se faufiler dans le Parlement, cerné par des soldats et des policiers, pour y voter à l'unanimité la levée de la loi martiale, abrogation que le président a ensuite été contraint de valider aux premières heures mercredi.
Des responsables militaires ont révélé que l'objectif était d'arrêter des députés.
Une tentative mise en échec "grâce aux citoyens qui ont bloqué les véhicules blindés en occupant les rues, et grâce aux employés du Parlement et aux députés qui ont mis leurs vies en jeu", a salué Lee Jae-myung.
Des assistants avaient barricadé les entrées de l'hémicycle avec des meubles, empêchant les forces spéciales d'y faire irruption.
M. Lee est la figure de proue de l'opposition depuis sa défaite de justesse contre M. Yoon à l'élection présidentielle de 2022.
Il disait depuis des mois que Yoon Suk Yeol pourrait recourir un jour à la loi martiale. Pourtant, quand ses craintes sont devenues réalité, il a eu du mal à y croire.
"Quand ma femme m'a dit que Yoon avait déclaré la loi martiale, j'ai pensé qu'elle blaguait".
Une fois l'information confirmée, M. Lee a appelé les membres de son parti à rallier l'Assemblée et démarré un direct sur YouTube dans lequel il a exhorté la population à se rendre "immédiatement" au Parlement.
Des milliers de personnes ont répondu présent.
Lee Jae-myung et d'autres collègues ont dû escalader la clôture du site, mis sous scellés, pour y entrer. Tout a été filmé.
"Pendant que le personnel parlementaire bloquait physiquement les soldats, nous avons réussi à passer une résolution" juste à temps, "c'était une course contre la montre".
- "Fièvre soudaine" -
"Mettons un terme à cette fâcheuse situation ensemble", dit le chef de l'opposition au président, en lui demandant de démissionner. "Pour chaque minute de plus dans ses fonctions, sa culpabilité et sa responsabilité augmentent".
Malgré les troubles, M. Lee dit croire en la jeune démocratie sud-coréenne, préférant voir la situation comme une "extraordinaire anomalie".
Il prend ainsi l'image d'une "fièvre soudaine causée par une bactérie" et à laquelle le corps réagirait pour s'en guérir rapidement.
Samedi, l'opposition n'aura besoin de rallier que huit membres du camp présidentiel pour atteindre la majorité des deux tiers, soit les 200 voix nécessaires à l'adoption de la motion.
Si celle-ci passe, Yoon Suk Yeol sera suspendu, dans l'attente que la Cour constitutionnelle statue sur la légalité de sa destitution.
L'issue semble déjà décidée: après avoir annoncé la veille que le PPP ferait échouer la motion, son chef Han Dong-hoon a dit vendredi matin qu'il demandait la "suspension rapide" de Yoon Suk Yeol, invoquant de "nouveaux éléments".
Aux indécis, "je demande de réfléchir sur ce qu'est vraiment la politique. Il s'agit de représenter la volonté du peuple (...) et la volonté du peuple est maintenant claire", lance Lee Jae-myung.
J.Bergmann--BTB