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Alors que la page budgétaire se tourne, le droit du sol à Mayotte agite l'Assemblée
Le budget de l'Etat à peine adopté, le gouvernement est décidé à embrayer sur des mesures "d'ordre et d'autorité", des thématiques qu'il défend dès jeudi avec l'examen à l'Assemblée d'un texte visant à durcir les restrictions au droit du sol à Mayotte.
La proposition de loi, portée par la droite et soutenue par l'exécutif, est aussi l'occasion pour la gauche d'afficher une certaine unité, après de fortes divergences stratégiques sur les textes budgétaires.
Censuré par La France insoumise mais négocié avec le Parti socialiste, le budget de l'Etat a été définitivement adopté jeudi au Parlement avec un dernier vote au Sénat.
Au même moment, l'initiative des Républicains (LR) sur Mayotte, examinée à l'Assemblée lors de la journée réservée aux textes de ce groupe, était combattue par les députés socialistes et LFI, pour qui le sujet touche aux "principes républicains".
De l'autre côté de l'hémicycle, le Rassemblement national critique une mesure "trop molle, trop tiède" face à l'immigration en provenance des Comores voisines.
"Nous allons certes voter cette loi", mais "c'est un signal pas suffisant", a jugé Marine Le Pen. Il faut "faire cesser cet appel d'air de l'immigration clandestine", a-t-elle ajouté.
Depuis 2018, une dérogation au droit du sol existe déjà à Mayotte. Le texte des Républicains propose d'élargir les restrictions à l'obtention de la nationalité française pour les enfants nés sur l'archipel: les "deux parents" (et non plus un) devront avoir été présents de façon régulière sur le territoire français depuis un an (et non plus trois mois) au moment de la naissance.
"Vous allez adopter une mesure qui est indécente et qui ne respecte pas les valeurs de la France", a fustigé l'écologiste Dominique Voynet, qui a dirigé l'Agence régionale de santé de Mayotte de 2019 à 2021. "Vous faites de l'idéologie, faute d'être capable d'être efficace sur le terrain", a-t-elle accusé.
La proposition de loi avait été élaborée avant le passage du dévastateur cyclone Chido sur l'archipel. Mais celui-ci a ravivé les débats sur l'immigration dans le département de l'océan Indien.
Une loi d'urgence sur la reconstruction à Mayotte doit être définitivement adoptée au Parlement rapidement, et une autre loi plus ambitieuse est prévue au printemps.
- "Brèche" -
Le texte porté par LR est "bienvenu" et "très intelligent", selon le député macroniste Mathieu Lefèvre, car il ne nécessite pas de modification constitutionnelle, contrairement à une suppression totale du droit du sol.
Le ministre de la Justice Gérald Darmanin, qui représente le gouvernement lors des débats, a rappelé être favorable à son abolition, à l'avenir, pour l'archipel, rappelant que le droit du sol n'a été instauré qu'en 1993 à Mayotte. Abolition aussi demandée par le RN, qui avait déposé un amendement - rejeté - en ce sens.
Le parti de Marine Le Pen a réaffirmé vouloir la suppression du droit du sol en métropole.
Ce texte ouvre "une brèche", a dénoncé la députée PS Colette Capdevielle. "Après Mayotte, ce sera la Guyane, puis Saint-Martin, puis un beau jour, l'ensemble du territoire français", a abondé Aurélien Taché pour LFI.
La députée de Mayotte Estelle Youssouffa (groupe centriste Liot) a, elle, souligné souhaiter effectivement l'abrogation du droit du sol, "mais uniquement pour Mayotte".
- Temps compté -
Les Insoumis ont déposé plusieurs dizaines d'amendements, dont certains visant ostensiblement à faire perdre du temps lors des débats. Or une "niche" parlementaire réservée à un groupe s'achève obligatoirement à minuit.
"Je ne sais pas si ce sera suffisant pour empêcher le vote de se tenir. Mais si le vote ne se tenait pas, ce serait vraiment une victoire", avait déclaré mardi à l'AFP le député LFI Ugo Bernalicis.
L'adoption du texte dépendra aussi de la mobilisation sur les bancs des différents groupe, avec en début de matinée des rangs relativement clairsemés du côté d'Ensemble pour la République, le principal groupe macroniste.
Quoiqu'il advienne, le temps passé sur Mayotte sera autant de moins consacré aux autres propositions prévues par LR pour la journée: notamment un texte visant à "prioriser les travailleurs" dans l'attribution de logements sociaux, suspendre les allocations familiales aux parents de mineurs délinquants, ou un autre visant à plafonner le cumul du RSA et des Aides personnalisées au logement (APL) à 70% du SMIC.
Un programme taxé de "copie conforme des textes du Rassemblement national" par le député PS Arthur Delaporte.
A.Gasser--BTB