Berliner Tageblatt - Duisbourg, ville de l'acier et symbole du virage à droite de l'Allemagne

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Duisbourg, ville de l'acier et symbole du virage à droite de l'Allemagne
Duisbourg, ville de l'acier et symbole du virage à droite de l'Allemagne / Photo: © AFP

Duisbourg, ville de l'acier et symbole du virage à droite de l'Allemagne

Tout sourire, Alan Imamura réajuste une casquette bleue aux couleurs du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD). Son couvre-chef arbore fièrement le slogan trumpien: "Make Duisburg Great Again!".

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"Autrefois, les gens nous regardaient bizarrement ou même nous insultaient, cela n'arrive désormais presque plus", ajoute ce militant de 51 ans du parti qui a bousculé la campagne électorale allemande, en longeant les tours du quartier populaire de Duisbourg-Nord (ouest de l'Allemagne).

Au coeur de la Ruhr industrielle, près de la frontière néerlandaise, Duisbourg incarne le glissement à droite attendu de toute l'Allemagne, à l'occasion des législatives de dimanche.

- "Ceinture de la rouille" -

Avec ses ouvriers métallos de moins en moins nombreux et l'âge d'or révolu des hauts-fourneaux de la sidérurgie, la capitale de la "ceinture de la rouille" germanique, ne semble plus un fief imprenable du parti social-démocrate SPD.

Le scrutin pourrait voir une forte poussée des conservateurs CDU et de l'AfD, comme au niveau national. Longtemps cantonné dans l'Est du pays, sur les terres de l'ancienne RDA communiste, le mouvement nationaliste et antimigrant progresse désormais aussi à l'ouest.

"Je comprends pourquoi les gens peuvent voter AfD. Je n'aime pas tout ce qui se passe ici", confie dimanche Günther Herwig, 67 ans, pour qui le vote SDP "c'est de famille".

Ludger Schulppen, 63 ans, fut même membre du parti social-démocrate avant de soutenir l'AfD depuis l'an dernier.

"Les gens qui immigrent ici ne sont pas ceux qui ont de bons emplois dans leur pays", assure-t-il, "ils viennent pour les allocations sociales, j'ai beaucoup de collègues turcs aussi qui disent que eux ils n'ont rien reçu à leur arrivée, ils ont travaillé".

Duisbourg a une longue histoire d'immigration. La ville de l'acier a intégré après-guerre des générations de Turcs, Polonais et Italiens pour alimenter le "miracle économique" allemand. Aujourd'hui 58,3% des enfants scolarisés sont migrants ou d'origine immigrée, selon les statistiques officielles.

La crise industrielle et l'arrivée de centaines de milliers de migrants depuis 2015 sont des griefs récurrents des habitant. Même dans l'électorat fidèle aux sociaux-démocrates.

Les réfugiés "sont venus trop nombreux. Il faut bien arrêter de prendre des gens à un moment donné", dit à l'AFP Rita Braun, 83 ans, venue mettre dimanche son bulletin dans l'urne et qui a "toujours voté SPD".

- Crise industrielle -

Pour Ludger Schulppen, qui travaille pour l'ancien fleuron industriel ThyssenKrupp, la crise économique allemande ne permet plus d'intégrer les étrangers.

"Il y a tellement d'entreprises qui ferment, il n'est plus possible pour les gens de venir ici et de trouver un travail", dit-il.

ThyssenKrupp a annoncé la suppression de 11.000 emplois dans les prochaines années. "Le climat est mauvais" dans l'entreprise, confie-t-il, "personne ne sait qui va être touché et ce qui va arriver".

Il est persuadé que les baisses d'impôts et la dérégulation voulues par l'AfD aideront l'industrie. C'est aussi ce que promettent les conservateurs.

L'an dernier, aux élections européennes, le parti CDU est arrivé en tête avec près de 23%, coiffant de justesse sur le poteau le SPD, une césure dans l'histoire de la ville. L'AfD est ressortie à 16,7%.

Sortie de terre au 19è siècle grâce à sa position stratégique le long du Rhin et près des gisements de charbon et de minerais de la Ruhr, Duisbourg cumule aujourd'hui les difficultés, même si elle reste la ville européenne qui produit le plus d'acier.

Elle ne compte plus qu'un demi-million d'habitants, après en avoir perdu 100.000 depuis les années 1970.

En dehors du centre-ville, de nombreux bâtiments abandonnés dominent le paysage. Et les logements bon marché de ces quartiers attirent de nouvelles communautés pas toujours bienvenues.

Manuela Spitzwieser, une femme de ménage de 54 ans, s'en prend aux Roms qui, veut-elle croire en montrant un aire de jeux jonchée de détritus, "cassent tout" dans le quartier.

Les rangées d'immeubles sont surnommées ici les "Géants Blancs". La société DHL y avait suspendu l'an dernier ses livraisons en mettant en cause les risques d'agression pour ses livreurs.

Manuela a longtemps soutenu le parti social-démocrate. Maintenant elle vote pour l'AfD dans sa cité de Hochheide de Duisbourg-Ouest. Comme, affirme-t-elle, tous les Allemands qui y vivent.

Y.Bouchard--BTB